EN MÉMOIRE DES "HÉROS DE LA FOI" EN FRANCE

"Environnés d’une si grande nuée de témoins"

Le texte qui suit est formé des commentaires, très largement augmentés, ainsi que de quelques photos d’un message audio-visuel (Powerpoint) disponible, et que je peux présenter dans toute assemblée qui en ferait la demande, en particulier dans l’optique des 500 ans de la réforme protestante. Tout renseignement auprès de robert.grenet@orange.fr

Lorsque l’on parle des héros de la foi, nous pensons immédiatement à ceux du chapitre 11 de l’épître aux Hébreux et à tout ce qu’ils ont subi. Mais cette description convient aussi, ce que nous verrons dans ces lignes, à ce que les chrétiens ont connu en France pendant de très longues et douloureuses années.

Nous pensons aussi, dans notre actualité, à tous ceux dont, par exemple, Portes Ouvertes nous parle dans sa revue. Que de choses terribles doivent endurer ces frères et sœurs soumis à la violence et à la destruction comme le désirent certains systèmes politiques ou religieux opposés au christianisme.

Ce sont des exemples pour nous tous. Mais ce que je voudrais partager avec vous c’est ce qui s’est passé en France il y a quelques siècles, et qui pour plusieurs raisons, a connu et connaît encore sinon un black-out, au moins un certain silence coupable.

Aspects de la Réforme en France et des assemblées du Désert
« Le combat pour la liberté de conscience et de pensée »

I. LES 4 ÉLÉMENTS PRÉCURSEURS DE LA REFORME EN FRANCE

Les éléments précurseurs des réformes protestantes s'accumulent depuis plusieurs dizaines d'années.
À l'aube du XVIe siècle, se trouvent réunis les éléments qui vont faire éclater l'unité de la chrétienté en Occident et instituer un nouveau rapport à Dieu dans un climat d'intolérance, de passions et de violences, exacerbé par des dérives et des exploitations politiques.

1) La crise morale et politique dans la chrétienté en Occident

◼ L’Église en place est minée par des crises et des abus. Ainsi le clergé est déconsidéré : les prêtres sont pauvres et peu instruits, tandis que le haut clergé vit généralement dans l'opulence grâce aux revenus des charges ecclésiastiques. Beaucoup d'évêques ne résident pas dans leur diocèse et se reposent sur leurs vicaires généraux. Certains sont attirés par la politique et entrent au service du roi.
◼ Des réformes intérieures qui ne viennent pas à leur terme.
◼ La peste noire qui a ravagé l'Europe de 1346 à 1353.
◼ La guerre de Cent Ans qui s'achève en 1450 avec 100 à 200 000 morts.
◼ Suite à tous ces fléaux et à tant de victimes, les esprits sont troublés par la crainte de la mort et le souci du salut.
◼ La croyance au purgatoire récemment instituée (Concile de Lyon en 1274 puis de Florence en 1439), lieu intermédiaire entre paradis et enfer, lié aux difficultés financières, conduit l'Église à accorder des indulgences pour en abréger le séjour. C’est le trafic des indulgences que seuls les plus riches peuvent se payer. Chaque péché est ainsi tarifé.
◼ Le tiers état (« La troisième personne de l’état ») supporte les frais du clergé et de la noblesse.
◼ Les monastères sont nombreux, mais le relâchement de la discipline et des mœurs, a grandement entamé leur prestige.


On estime que la peste noire a tué entre 30 et 50 %
de la population européenne en cinq ans,
faisant environ vingt-cinq millions de victimes.


Exemples de tarifs d’indulgences d'après le livre des Taxes de la chancellerie romaine :
1) L'absolution pour celui qui abuse d'une jeune fille est taxée à six carlins.
2) L'absolution pour celui qui a tué son père, sa mère, son frère, sa sœur, sa femme, ou quelque autre parent ou allié, laïque néanmoins, est taxée à cinq carlins.

Johann Tetzel est un prêtre dominicain allemand, surtout célèbre pour les trafics d'indulgences organisés par le Saint-Siège qui a besoin d’argent, en particulier pour achever la reconstruction de la basilique Saint-Pierre de Rome, amorcée en 1450. En 1515, Léon X relance la vente des indulgences. Dans ce contexte, Tetzel met un point d'honneur à écouler un maximum d'indulgences, n'hésitant pas à dépeindre avec grandiloquence les tourments du Purgatoire et les souffrances des pécheurs, ce qui va scandaliser Luther. Il est notamment célèbre pour ces deux vers de 1515 qu'on lui attribue : "Sitôt que sonne votre obole, du feu brûlant l'âme s'envole."

 


2) Les idées de la Renaissance venues d'Italie et l'humanisme chrétien

Trois acteurs principaux vont largement contribuer à apporter en France des idées nouvelles qui vont intervenir dans le conflit entre catholiques et protestants.

Michel de l’Hospital (1505-1573)

Juriste catholique, il est appelé par Catherine de Médicis et nommé chancelier de France en 1560, pour tenter d'instaurer une coexistence religieuse entre catholiques et protestants, artisan d'une politique de réconciliation, mais il échoue. Catherine de Médicis rend Michel de l'Hospital responsable de l'échec de sa politique de modération : il donne sa démission de l'office de chancelier en 1568.
Partisan d'un concile national, il favorise la réunion du colloque de Poissy (1561). Il échoue à cause de l'intransigeance des deux parties, représentées par Théodore de Bèze pour les protestants et le cardinal de Lorraine pour les catholiques. Ainsi à partir de 1562, les guerres de religion se déclenchent.

Érasme (1469-1536)

Grande figure de l'humanisme du 16ème siècle, c’est un esprit ouvert et cultivé, européen avant l'heure. Il est l'artisan de la première édition critique du Nouveau Testament en grec parue en 1516. Les écrits d'Érasme et sa quête d'un humanisme chrétien inspireront Luther et d'autres réformateurs.
Désiderius Erasmus, né à Rotterdam en 1469, entre très jeune au monastère. Ordonné prêtre en 1492, il devient secrétaire de l'évêque de Cambrai qui finance ses études de théologie à Paris. Le pape l'ayant relevé de ses vœux en 1495, il entame une carrière d'enseignant qui le conduira en Angleterre, en France et en Italie où il obtiendra son doctorat en théologie en 1506.
Surnommé "le précepteur de l'Europe" et "le père de l'humanisme," il entretient une correspondance suivie avec tous les grands penseurs de son temps.
Il parcourt l'Europe, changeant fréquemment de résidence : Angleterre, Italie, Pays-Bas, Bruxelles, Anvers, Gand, Louvain. En 1521, il s'établit à Bâle qu'il quitte pour Fribourg en 1529. Il revient à Bâle en 1535 pour y mourir en 1536.
Certaines de ses idées se retrouvent chez Luther : le principe d'une théologie fondée sur l'Écriture, l'importance de la religion intérieure qui relativise les œuvres et les cérémonies extérieures, l'accès de tous au texte biblique en langue vernaculaire.

"Le soleil est un bien commun, offert à tout le monde. Il n'en va pas autrement avec la science du Christ. Je suis tout à fait opposé à l'avis de ceux qui ne veulent pas que les lettres divines soient traduites en langue vulgaire pour être lues par les profanes, comme si l'enseignement du Christ était si voilé, que seule une poignée de théologiens pouvait le comprendre, ou bien comme si le rempart de la religion chrétienne était fait de l'ignorance où on la tiendrait. Je voudrais que toutes les plus humbles des femmes lisent les évangiles, lisent les épîtres de Saint Paul.
Puissent ces livres être traduits en toutes les langues, de façon que les Écossais, les Irlandais, mais aussi les Turcs et les Sarrasins soient en mesure de les lire et de les connaître. Puisse le paysan au manche de sa charrue en chanter des passages, le tisserand à ses lisses en moduler quelque air, ou le voyageur alléger la fatigue de la route avec ses récits". (Préface du Nouveau Testament, 1516)

Refusant de se séparer de l'Église catholique, il prend ses distances vis-à-vis de la Réforme. Luther accuse Érasme de tiédeur et de scepticisme. Une polémique s'installe entre les deux hommes. Érasme publie en 1524 son Essai sur le Libre Arbitre auquel Luther répond en 1525 par le traité Du Self-Arbitre. Le désaccord entre les deux hommes porte sur la notion de liberté de l'homme par rapport à Dieu, sur la tradition et sur la notion de grâce et de mérites. Selon Érasme l'homme peut collaborer avec Dieu à son propre salut.

Jacques Lefèvre d’Étaples (1450-1537)

Après des études à Paris et en Italie, il se fixe à Paris, où il enseigne la philosophie au collège du Cardinal Lemoine.
Ses premiers ouvrages commentent la philosophie d’Aristote. En même temps, vers 1508, il se consacre à la théologie et à la Bible. Il écrit des Commentaires sur les Épîtres de Saint-Paul en 1512, qui influencent Luther, et des Commentaires sur les quatre Évangiles en 1521.
En 1520, il est à Meaux auprès de l’évêque dont il devient le vicaire général. Il fonde le cénacle de Meaux qui préconise la prédication de l’Écriture dans les paroisses.
Lefèvre d’Étaples entreprend la traduction en français du Nouveau Testament à partir de la Vulgate latine, en commençant par les Épîtres et les Évangiles. La traduction complète du Nouveau Testament paraît en 1524.
L’engouement pour cette traduction qui permet de comprendre les lectures faites en latin pendant la messe, favorise la propagation des idées de Luther.
Les docteurs de la Sorbonne considèrent que la traduction en français de la Sainte Écriture ne doit pas être tolérée dans le royaume très chrétien : le Nouveau Testament de Lefèvre d’Étaples est brûlé par décision de justice. Lefèvre doit à la protection du roi de ne pas être poursuivi. Il se réfugie pourtant à Strasbourg en 1525.


3) La révolution de l'imprimerie (milieu du XVe siècle) - D'un progrès technologique à une ère nouvelle

La mise au point de l'imprimerie typographique a un impact considérable sur la diffusion des idées : c'est elle qui rend possible la propagation rapide de la Réforme. Le mérite de Gutenberg (vers 1400-1468), imprimeur allemand, est d'avoir rendu facilement exploitable l'ensemble du procédé de composition typographique : des caractères mobiles à la fois résistants (alliage d'antimoine et de plomb) et d'obtention facile par coulée dans des moules, la composition du texte, des presses à bras.
C’est en 1456, à Mayence en Allemagne, que le premier livre à avoir été imprimé est sorti des presses de Johannes Gensfleisch dit Gutenberg. Ce livre c’est la Bible selon la traduction la vulgate en latin dite en 42 lignes. Il existe encore 47 des 150 exemplaires de ce précieux livre. Il fallait 12 heures pour composer avec des lettres de plomb une seule page.

L’imprimerie est l’ultime don de Dieu et le plus grand. En effet par son moyen, Dieu veut faire connaître la cause de la vraie religion à toute la terre jusqu’aux extrémités du monde et la diffuser dans toutes les langues. (Luther)

En 1517, il y avait environ 24 centres d’imprimerie en Europe, et avant la réforme et son "Sola Scriptura" soit "L’écriture seule", c’est 70.000 Bibles et 100 000 NT qui vont être imprimés en Europe centrale. C’était bien sûr nécessaire pour que puisse se faire le plus grand réveil spirituel qui allait arriver. Une fois encore, Dieu intervenait d’une façon magistrale sur les temps et les moments, afin que la réforme puisse avoir lieu. Oui vraiment, Dieu fait tout à merveille ? La réforme et ses conséquences, auraient- elles pu avoir lieu sans cette "puissance de feu" comme on a appelé l’imprimerie à cette époque ? L’important c’est que le Seigneur, encore une fois, soit intervenu dans l’histoire des hommes et l’ait permise !
On a comparé l’expansion de l’imprimerie à son époque, à celle que nous connaissons de nos jours avec l’internet.

Avant l’imprimerie, la Réforme n’eut été qu’un schisme, l’imprimerie l’a faite révolution. Gutenberg est le précurseur de Luther (Victor Hugo) 


4) Les idées des pré-réformateurs et leurs auteurs condamnés par l'Église officielle

Pierre Valdo (1140-1217) et les vaudois : "Les pauvres de Lyon"

Pierre Valdo est le premier d'entre eux dès le XIIe siècle. Il est à l'origine du mouvement des Vaudois qui se répand dans le sud de l'Europe.
C’est un retour fulgurant à l'Évangile. Pierre Valdo est un riche marchand de Lyon qui, frappé par la lecture de l'Évangile, vend tous ses biens pour prêcher, en vivant dans la pauvreté. Il fait réaliser une traduction de textes bibliques dans la langue du peuple. Il est suivi de nombreux disciples qu'on appelle "vaudois". Les vaudois sont excommuniés au concile de Vérone (1184). Malgré les persécutions, les vaudois continuent leur expansion en France, en Italie, en Allemagne et jusqu'en Hongrie et en Pologne.

a. La théologie des vaudois :
Les vaudois se séparent de l'Église catholique sur les points suivants :
⏤  Le radicalisme évangélique, centré sur le « sermon sur la montagne »
⏤  La contestation de l'institution romaine : ils sont contre la papauté, contre le pouvoir et la richesse de l'Église ;
⏤ Le rejet du purgatoire et des indulgences, ainsi que du culte des saints ;
⏤ La prédication itinérante : la prédication est effectuée par des laïcs appelés « barbes » (oncle en piémontais, c'est-à-dire ancien). Les barbes sont célibataires. Ils pratiquent des métiers nécessitant des déplacements fréquents. À cause des persécutions, la prédication a lieu dans des maisons et non sur la place publique.
⏤ Les vaudois participent cependant à la messe et aux sacrements de l'Église catholique

b. L'adhésion des vaudois à la Réforme :
Dès 1526, les « barbes » assemblés en synode décident d'envoyer deux délégués en Suisse et en Allemagne pour s'enquérir des nouvelles doctrines de Luther. Ils reviennent avec des livres de Luther et Zwingli. D'autres émissaires sont envoyés en 1530 auprès des réformateurs de Neuchâtel, Berne, Bâle et Strasbourg avec un questionnaire.
Il y a accord sur l'essentiel, mais des divergences demeurent sur : le ministère itinérant des prédicateurs (les barbes), la contestation du pouvoir civil, la participation à la messe et aux sacrements catholiques.
En 1532 au synode de Chanforan, dans les vallées vaudoises, le réformateur Guillaume Farel est présent. Son influence est décisive. Il emporte l'adhésion du synode en faveur des idées réformées.
Le ministère itinérant des barbes est aboli. La plupart des barbes deviennent pasteurs. Les localités visitées deviennent des sièges d'Églises réformées.
En même temps, le synode de Chanforan décide de consacrer 500 écus d'or à une nouvelle traduction (Révision de la traduction faite auparavant par Michel de l’Hospital) de la Bible en français qui est confiée à Olivetan.

c. La persécution des vaudois :
Les vaudoises sont comparées à des sorcières et le châtiment est la mort. Les persécutions sont menées par la toute puissante "Sainte Inquisition".

d. Les Églises vaudoises aujourd'hui :
Bien que sévèrement persécutées, en particulier lors du massacre des vaudois dans le Lubéron en 1545, 3 000 personnes sont massacrées en cinq jours et 670 hommes sont envoyés aux galères. De plus, le passage des soldats détruit les cultures, les troupeaux sont tués, et un nombre indéterminé de paysans meurent de faim.
Des communautés subsistent dans les vallées alpines et en Italie jusqu'à aujourd'hui. Elles se développent même jusqu'en Uruguay.

Guillaume Farel (1489-1565)

Natif de Gap (Dauphiné) d'une famille noble, il fait des études à Paris, où il rencontre le savant humaniste Lefèvre d'Étaples. Il enseigne la grammaire et la philosophie. Il fait partie du Cénacle de Meaux qui, institué par l'évêque Briçonnet, propose de réformer l'Église depuis l'intérieur.
Farel contribue grandement à faire adopter la Réforme par Genève en 1536, Le développement du nombre d’églises protestantes en Dauphiné et en France fait que la répression devient chaque jour plus intolérable et provoque le début des huit guerres de religion. Farel, théologien, fixateur de la langue française, père de la Révolution religieuse du XVIe siècle est aussi à l'origine de la République suisse. C'est un homme dont les Gapençais ont raison d’être fiers !

À ces pré-réformateurs français, il convient d’ajouter John Wyclif au XIVe siècle en Angleterre et de Jan Hus entre le XIV et XVe siècle en Bohême. Leur doctrine influenceront Luther et les réformateurs au XVIe siècle.

Les piliers de la foi protestante s'énoncent alors ainsi :

Sola fida - La foi seule : Le salut par la foi et non par des œuvres
Sola gracia - La grâce seule : La grâce de Dieu seule source du salut
Sola scriptura - L'Écriture seule : La Bible seule source de révélation
Soli Deo gloria (SDG) A Dieu seul la gloire est la devise la mieux partagée du monde protestant. C’est avec cette formule que Jean Sébastien Bach et Georg Friedrich Haendel signaient leurs compositions musicales. Nulle part en ce monde, les protestants ne rendent un culte à un être humain, mort ou vivant, à un objet, ou encore à un symbole.

Puis plus tard : Ecclesi semper formanda l'Église est toujours à réformer : rien n’est jamais acquis et a besoin d’être revu et corrigé si besoin.

Une gravure célèbre : La balance penche du côté de la Bible et cela malgré tous les efforts
de l’Église romaine en place. À droite les principaux réformateurs. Les reconnaissez–vous ?


II. LES GRANDES DATES DE L'HISTOIRE DE LA REFORME EN FRANCE

1) Des origines à 1598

Pourquoi "Protestant" : contrairement à la signification moderne de celui qui proteste contre quelque chose, dans la langue du XVIe siècle, il est celui qui témoigne de sa foi. Vient du latin "pro" = "devant" et "testare" = "témoigner".
Favorisées par un certain nombre de facteurs, dont le climat de liberté intellectuelle de la Renaissance, les idées de Luther (allemand) et de Zwingli (suisse) pénètrent en France.
Le 31 octobre 1517 (il y a 500 ans) Luther placarde sur les portes de l‘église de la Toussaint de Wittenberg ses 95 thèses condamnant violemment le commerce des indulgences pratiqué par l’Église catholique, et plus durement encore les pratiques du haut clergé. De plus il va traduire en allemand la Bible qui n’existait alors uniquement qu’en latin.

Le français de Noyon, en France, Jean Calvin (1509-1564) approfondit les thèses et en propose un exposé systématique dans "l’Institution de la Religion Chrétienne" (1536).

Exilé à Genève, il accompagne le développement des Églises réformées qui rassemblent à leur apogée 15 à 20 % de la population française.

Mais en une quarantaine d’années, d’édit en édit, les libertés de cultes ainsi que les droits civils des protestants s’amoindrissent peu à peu. Puis les premières persécutions surviennent comme le massacre de Vassy (aujourd’hui Wassy).
Suite aux troubles constatés depuis quatre décennies, le roi de France Charles IX signe le 17 janvier 1562 l’édit de Saint-Germain (ou édit de janvier). Il a le même esprit que le futur édit de Nantes, en accordant la liberté de culte aux protestants dans les faubourgs. On peut noter également l’édit d'Amboise (19 mars 1563) qui réduit les droits aux seuls gentilshommes, ainsi que la paix de Saint-Germain (8 août 1570) qui accorde la liberté de conscience, la liberté de culte et quatre places fortes : La Rochelle, Cognac, Montauban et La Charité-sur-Loire.
Les Guerres (ou plutôt massacres ?) de Religion (1562-1598) opposent les catholiques aux protestants dans des affrontements sanglants. Ainsi le 24 août 1572, le massacre de la Saint-Barthélemy est un événement majeur de l'histoire de France. Il correspond au massacre d'une partie des protestants de France par les catholiques de France pendant « les guerres de religion », vision génocidaire. C’est souvent le seul et unique récit des terribles massacres des protestants connus par le public.

Au total, le nombre de morts est estimé à 4 000 à Paris, et à 10 000 dans toute la France, voire 30 000. Malgré la victoire du chef protestant Henri de Navarre (le futur Henri IV), le courant réformé est amoindri et restera minoritaire. La terre de France est abreuvée par le sang des chrétiens réformés.


2) De 1598  à 1685

Promulgué à Nantes le 13 avril 1598 par Henri IV (converti au catholicisme), l’édit de Nantes est un édit de « pacification et de tolérance ». Véritable compromis garantissant à la minorité protestante des droits politiques et militaires, la liberté de culte, l'accès à toutes les charges et professions, le droit de tenir des assemblées politiques et celui de garder des places fortes au nom du roi, pour assurer leur sécurité tout en la privant de toute possibilité d'expansion religieuse. L’édit a entériné la dominance catholique, limitant le culte protestant en certains lieux, tout en autorisant le catholicisme dans l’ensemble du royaume.
Mais le 4 août 1682, déclaration du roi pour exclure ceux de la RPR (religion prétendue réformée) d’exercer les offices de Notaires, Procureurs, Huissiers et sergents.

Timbre commémoratif de L'Édit de Nantes.


3) De 1685 à 1789

Les rois Louis XIII et surtout Louis XIV entameront les libertés protestantes, avant de déclencher de féroces persécutions " les dragonnades " : les protestants abjurent en masse et Louis XIV en tire prétexte pour révoquer l'Édit de Nantes (1685) pourtant irrévocable !

La signature de l'édit de Fontainebleau

Louis XIV "Par la grâce de Dieu roi de France", décidant qu'il n'y avait plus lieu de permettre au protestantisme de s'exercer, puisqu'il n'y avait plus de protestants (c.q.f.d.), révoque le 18 octobre 1685 l'édit de Nantes par lequel Henri IV, en 1598, avait octroyé une certaine liberté de culte aux protestants. Cet édit de Fontainebleau est plus connu sous l'appellation non officielle de "Révocation de l'édit de Nantes". C’est sous l'influence de la marquise de Maintenon que Louis XIV, par absolutisme royal et volonté d’unité politique et religieuse, va supprimer la liberté de culte aux Protestants et décide d'entreprendre la destruction de tous les temples puisqu'ils ne peuvent plus servir à rien !

Une inscription visible dans la ville d’Orange
et la terrible histoire du temple du quartier Saint Martin.

Les 12 articles de l’Édit de Fontainebleau :

1 - La révocation de l'Édit de Nantes (1598) signé par Henri IV et de l‘Édit de Nîmes (1629) signé par Louis XIII, en conséquence : la démolition de tous les temples encore debout.
2 et 3 - L'interdiction de tout exercice de la Religion Prétendue Réformée (RPR), y compris chez les seigneurs.
4 - Le bannissement dans les 15 jours, sous peine de galères, des pasteurs qui ne voudraient pas se convertir.
5 et 6 - Des incitations à la conversion des pasteurs : pension à vie et facilité de reconversion vers les métiers juridiques.
7 - L'interdiction des écoles protestantes.
8 - L'obligation aux réformés de faire baptiser et de faire instruire leurs enfants dans la religion catholique.
9 - La confiscation des biens des réformés déjà partis à l'étranger, sauf s'ils reviennent dans un délai de 4 mois.
10 - L'interdiction aux réformés d'émigrer à l'étranger sous peine de galères pour les hommes et de prison pour les femmes.
11 - La punition des relaps, c'est-à-dire des "nouveaux convertis" qui reviendraient au protestantisme.
12 - L'autorisation, pour ceux qui ne se seraient pas encore convertis, de résider en France, à condition d'observer les dispositions précédentes.

C'est la période la plus sombre du protestantisme français : le culte est interdit, les temples rasés, les pasteurs emprisonnés ou exécutés.


III. LA PERSÉCUTION DES HUGUENOTS

Pourquoi Huguenot ? : L’étymologie est très discutée, vraisemblablement dérivée de l'allemand Eidgenosse (lié par le serment). Le terme apparu en France en Touraine vers 1551, utilisé par les catholiques pour désigner les calvinistes (source encyclopédie Quillet).
Pourquoi Parpaillot ? : Sobriquet donné aux protestants dès le XVIème siècle (attesté dans Rabelais en 1535). Viendrait du gascon parpailhol "papillon blanc" ou de l'occitan parpaillon "papillon".

1) Les dragonnades

La persécution atteignit son apogée au moment des dragonnades. Cet infernal procédé de pression permettait aux militaires du Roi, les dragons, de commettre les pires exactions. Logés chez les protestants, ils s’y conduisaient comme en pays ennemi. Ils commencèrent en Poitou, Saintonge pour s’étendre à d’autres régions. Les gens étaient obligés de les loger par billets de logement, de les nourrir et de payer leur solde.
Ces « Nouveaux missionnaires envoyés par ordre de Louis le Grand par son Royaume de France pour ramener les hérétiques à la foi catholique ». Les intendants des régions pouvaient déclarer triomphalement au Roi qu’ils étaient venus à bout des Huguenots de leurs provinces.

Le Dragon "Nouveau missionnaire" du roi
d'après un dessin original de 1686

Pour les forcer à céder, ils détruisaient leurs biens, dévorant leurs provisions, vendant les meubles, et les récoltes. Ils violaient et torturaient leurs hôtes par le feu, la faim, la soif, les coups. Ils faisaient mourir les enfants sous les yeux de leurs mères. L’épouvante qui saisissait la population à leur approche eut raison de contrées entières. Les missionnaires bottés soumirent de nombreuses régions. Leur succès fut prompt : à la seule vue des troupes, les conversions se faisaient par milliers. Les intendants des régions pouvaient déclarer triomphalement au Roi qu’ils étaient venus à bout des Huguenots de leurs provinces.
Toute la France est affectée par ces brimades. Tous les temples sont détruits, les pasteurs emprisonnés, suppliciés, exécutés d’une manière ou d’une autre. Les jeunes filles huguenotes étaient enlevées et emmenées dans des monastères catholiques pour y être persécutées et converties de force. Toutes les prisons du royaume regorgeaient de fidèles, la roue, les galères, le bûcher étaient chargés de martyrs.

Sous prétexte de permettre l’adhésion à la religion officielle, le roi ordonna l’odieux enlèvement des enfants protestants dès l'âge de 7 ans. Dans les monastères un « Jeu de l’oie » était utilisé pour le retour des enfants du protestantisme au catholicisme.


2) Les galères

Les protestants français sont condamnés aux galères pour trois délits : tentative de fuite à l'étranger, assistance à une assemblée, ou hébergement d'un pasteur. La condamnation est toujours à vie sauf s'ils abjurent ou s'ils sont trop faibles ; dans ce cas ils peuvent être déportés en "Amérique", aux Antilles.
Après leur arrestation et leur condamnation, ils passent de longues semaines au cachot en attendant le passage de « la chaîne ». Pendant cette période, ils sont maltraités pour les obliger à abjurer.

Ils sont ensuite "flétris" : marqués au fer rouge à l'épaule droite des lettres G A L. Puis, arrivait la chaîne : "On appelait ainsi l'affreux cortège des condamnés qu'on dirigeait à travers la France jusqu'au port de mer où ils devaient subir leur peine ; chacun portait un collier de fer, et ces colliers étaient rattachés les uns aux autres par une courte chaîne qui les liait deux à deux. Une autre chaîne beaucoup plus longue reliait tous ces couples les uns aux autres ; ces chaînes leur causaient un vrai supplice qui les contraignait à faire ensemble le moindre mouvement. L'étape se faisait à pied et le logement, ainsi que la nourriture étaient presque nuls."
La marche de Poitiers à Marseille durait entre trente et quarante jours. Arrivés au port, ils étaient répartis et enchaînés aux bancs pendant 6 mois, nuit et jour, d'avril à Toussaint, 5 personnes par rame de 10m et de 300kg. Ils passaient l'hiver aux arsenaux de Marseille, à l'usine de poudre à la Canebière.


3) L’exil des Huguenots

Il est difficile de dire quand a réellement commencé cet exil. Les Vaudois ont déjà dû fuir la France pour se réfugier en Italie. Calvin lui-même, pourchassé en France, a dû s’exiler, en 1534, pour la Suisse. Voyant les nuages de la répression s’accumuler, plusieurs vagues d’exilés ont quitté la France. Mais c’est surtout après la révocation de l’édit de Nantes en 1685 qu’un grand nombre de réformés vont vouloir quitter la France pour « les pays du refuge », et cela bien que la déclaration du Roi de 1682, répétant l’édit d’août 1669, portait défense de sortir du royaume.
Cette révocation entraîna l’exil de beaucoup de huguenots, souvent des artisans, des commerçants ou des membres de la bourgeoisie, apportant une vie intellectuelle, politique et un savoir-faire dans les pays voisins, affaiblissant considérablement l’économie française, au bénéfice des pays protestants qui les ont accueillis. Mais aussi apportant et/ou encourageant dans ces pays la foi réformée. Il est difficile de donner un nombre précis de ces exilés. La France compte alors 20 millions d’habitants. Au total, on estime qu’environ 300 000 des 800 000 protestants français vont s’exiler, à savoir pour l’Angleterre 50 000, la Hollande 65 000, l’Allemagne 40 000, la Suisse 22 000.

a. Après 1685, l'exil en Allemagne :

La majorité de ces réfugiés sont de passage. L'Etat civil de la ville de Schaffhouse indique que 26 500 huguenots, en route vers le nord, y furent assistés entre 1683 et 1692. Onze jours après l'Édit de Fontainebleau, le Prince-Electeur Frédéric-Guillaume, narguait le "Roi-Soleil" en promulguant l'Édit de Potsdam en 1685, qui invitait dans ses États "ceux de la religion réformée, victimes des persécutions et rigoureuses procédures". En Allemagne, les plaies de la guerre de Trente Ans étaient à peine cicatrisées. Même si l'intérêt économique est évident, les princes allemands agissaient néanmoins "par compassion pour ceux qui souffrent malheureusement pour l’Évangile, et pour la pureté de la foi que nous confessons avec eux".

L’accueil des huguenots en Prusse

Francfort-sur-le-Main fut aussi l'une de ces plaques tournantes, d'où des milliers de réfugiés français repartirent vers l'est et le nord. Les provinces germaniques devinrent alors "la grande arche des fugitifs" (P. Bayle). Par l'attribution de "droits, franchises et avantages", les princes allemands réussissent à drainer vers les provinces éloignées, au climat souvent rigoureux, un grand nombre de ces immigrés.

Les réfugiés n'avaient pas abandonné leurs coutumes, notamment en matière d'habitat et d'alimentation ; dès leur arrivée à Berlin, par exemple, les marchés de la ville furent régulièrement pourvus de légumes frais. Ils relevaient des villages détruits, introduisaient de nouvelles cultures et des techniques inconnues, développaient des manufactures. C'est au point que Voltaire a pu dire : "Les étoffes, les galons, les chapeaux, les bas qu'on achetait auparavant en France sont fabriqués par eux". Et il ajoute : " Le nord de l'Allemagne, pays encore agreste et dénué d'industries, reçut une nouvelle face de ces multitudes transplantées". La connaissance du français se propage malgré tout. Et ce sont les huguenots qui permettent à l'Allemagne de participer au développement intellectuel de l'Europe, "contribuant ainsi au déplacement de l'axe central catholique-méditerranéen vers celui, plus septentrional, protestant et germanique" (P. Hazard).

Fondée en 1672 par des protestants réformés originaires de France, qui, réfugiés pour des motifs religieux ou employés à la cour de l’Électeur de Brandebourg, vivaient alors à Berlin. Grâce à l’édit de Postdam promulgué en 1685 et qui promettait un accueil privilégié en Brandebourg à tous les réfugiés français persécutés pour leur foi, la communauté huguenote de Berlin s’accrut pour atteindre environ 6000 personnes vers 1700. Ce fut à l’époque un tiers de la population. Au total plus de 20 000 réfugiés huguenots furent accueillis en Brandebourg.

b. Après 1685, l'exil en Suisse :

Genève est devenue une plaque tournante où les réfugiés sont accueillis avant d'être envoyés plus loin. Les habitants des villages situés au bord du Rhône attendent les fuyards avec des bacs amarrés au pied des moraines ; on allume des feux pour les prévenir ; arrivés sur l'autre rive, sauveurs et sauvés entonnent ensemble un cantique de louanges. Genève qui compte à l'époque 16 000 habitants en héberge 4 000 de plus, en permanence. Les Genevois font des prodiges pour accueillir tant de monde. Les réfugiés sont jusqu'à 20 par chambre. "On croirait que les murailles de leurs maisons s'écartent à volonté", commente l'un d'eux, "tant ils sont habiles à nous loger". Et pourtant, le séjour des réfugiés n'est jamais long, car il fallait chaque jour laisser la place à une centaine de nouveaux arrivants (120 quotidiennement en 1687). C'est pourquoi ces exilés gagnaient au fur et à mesure les cantons suisses, puis l'Allemagne, la Hollande ou l'Europe orientale. Les artisans s'intègrent à la population dans la mesure où ils ne provoquent pas de concurrence, et l'on aide les spécialistes à s'établir, en particulier dans le textile ou dans l'art naissant de l'horlogerie.

Les villes du canton de Vaud, Morges (dont le port fut construit par les huguenots), Rolle ou Yverdon, entretenaient des bûcherons ou des pâtres pour guider les réfugiés, alors que les résidents fortunés mettaient leur voiture à disposition des infirmes, des malades et des vieillards. La ville de Lausanne abrita le séminaire français de théologie d'Antoine Court qui, pendant la persécution, formera 4 000 pasteurs du Désert. Aux portes de Berne, les soldats de garde "conduisent les voitures des réfugiés au meilleur hôtel de la ville, aux frais du Canton".

Un peu partout en Europe, mais aussi dans d’autres pays du refuge on peut voir des rues appelées « rue des huguenots » ou d’anciennes églises huguenotes comme celle de Berlin.

Genève "Cité de refuge" met une main protectrice et bienveillante sur le réfugié huguenot,
comme on peut encore le voir sur la place du Molard.

Les Pays-Bas et ses colonies du Cap

Sur le timbre ci-dessous apparaissent les régions d’origine des huguenots français qui sont allés s'installer en Afrique du Sud.

L’Angleterre et ses colonies

L’Angleterre et ses colonies de la Virginie et de la Caroline du Sud, et de la Nouvelle-Amsterdam. Cette dernière est anciennement située sur le territoire du New York et du New Jersey. Un des premiers recensements à la suite de la Révolution américaine signalera la présence de plus de 100 000 Américains d'origine huguenote, sur environ un million et demi de personnes.

c. Après 1685, l'exil en Amérique :

Je vous soumets cet article de John H. Alexander qui dépeint cet exil, et ses conséquences, aux Amériques.

"Il serait certes prétentieux de vouloir résumer en quelques lignes l'épopée des héros qui contribuèrent à la grandeur de ce continent.
Durant les quelques décennies de semi-liberté qui suivirent l'Édit de Nantes, La Rochelle, alors baptisée "la Genève occidentale", avait vu s'expatrier de nombreux protestants qui avaient senti venir l'orage. Aussi ne fallait-il pas beaucoup d'insistance de leur part pour qu'à la Révocation (de l’édit de Nantes) beaucoup d'autres les rejoignent en Floride ou à Boston, à New Oxford ou à Rhode Island, ainsi qu'à Manhattan et dans la colonie hollandaise de Neuf-Avesnes, aussi appelée New-Amsterdam, la future New York.
Les provinces de l'Aunis, de la Saintonge et du Poitou furent alors privées de leurs meilleurs sujets, qui passèrent l'Atlantique en dépit de l'étroite surveillance et des mesures draconiennes qui avaient été prises contre eux. C'étaient des voyages périlleux, où l'on s'entassait pendant quatre, six ou huit mois sur les vaisseaux surchargés et pas du tout équipés pour accueillir des femmes, des enfants ou des vieillards. Si certains passagers avaient réussi à emporter quelques biens, la plupart étaient démunis de tout, sauf de courage. Beaucoup moururent en route, victimes des privations, des épidémies ou du scorbut.
Parvenus en Floride ou à Boston, ils y furent accueillis en héros. Les "colons" français s'organisaient pour les associer à leur commerce naissant, et surtout pour leur attribuer des terres. Des terres vierges à perte de vue, où tout était à créer. Là, le dynamisme de ces héros allait donner toute sa mesure.
Mais le Nouveau-Monde n'était pas le paradis, car les épreuves devaient s'amonceler sur ces hommes et ces femmes qui avaient déjà tant enduré. Rigueurs du climat, échecs de diverses expérimentations agricoles, et surtout attaques toujours plus sournoises des Indiens qui n'hésitaient pas à massacrer les fermiers isolés et à piller leurs récoltes. La Lutte devint plus âpre lorsque les prêtres qui étaient arrivés au Québec sur les traces de Jacques Cartier fomentèrent la lutte armée contre les "colons" réformés en armant les Indiens pour qu'ils les rejettent à la mer.
L'immense aventure dura près d'un siècle, et aboutit à la formation d'une nouvelle élite, celle-là même qui devait fonder les Etats-Unis d'Amérique et rédiger la Constitution de cette grande nation. Une constitution où l'on discerne l'influence déterminante des réformés venus d'Europe, et de France en particulier, puisque leur foi biblique est à l'origine de la "Déclaration d'Indépendance" (1776) puis de la Constitution des Etats-Unis (1787).
Il convient de dire que l'indépendance américaine fut décidée à Boston dans la maison d'un réfugié nommé P. Faneuil; et c'est pourquoi Faneuil Hall est appelé le "Berceau de la Liberté". C'est Henri Laurent, fils de réfugié, qui présida le Congrès où fut instituée la République. Georges Washington (1732-1799), premier président des Etats-Unis, était également un descendant direct de réfugiés. Son aide de camp, le huguenot Jean Laurens, fit partie de la délégation qui demanda l'appui de la France et revint mourir en combattant avec La Fayette et Rochambeau à la bataille de Yorktown (1781), qui fut décisive pour la liberté américaine.
Non, la France de 1685 n'a pas seulement enrichi l'Europe. Par le dynamisme de ses élites, elle a apporté à la société nouvelle d'outre-Atlantique un souffle qui était celui de l'Esprit de Dieu. C'était cet Esprit qui avait soutenu les protestants de l'Hexagone dans leur résistance, et leur avait permis de triompher de leurs bourreaux. C'était cet Esprit qui les avait gardés fidèles, même sous la torture. C'était encore ce même Esprit qui les avait poussés, dès l'arrivée, à s'agenouiller sur les rivages du Nouveau-Monde pour rendre grâces. Et c'est l'Esprit de Dieu, enfin, qui allait inspirer les termes d'une charte établie au nom du Tout-Puissant ; qu'on le veuille ou non, cette charte a fait des Etats-Unis une nation dont le rôle, surtout au XXe siècle, est devenu prépondérant dans l'évangélisation du monde et la défense de la vérité biblique."
Beaucoup de ces exilés auraient aimé revenir au pays, et comme au XVIe siècle, ils espéraient trouver un lieu provisoire pour être en sûreté, qu'ils pourraient quitter pour rentrer en France une fois la tourmente passée. Cet espoir se révéla vain, l'exil fut définitif et les huguenots d'émigrants, deviendront immigrants. En effet, lors des négociations pour la paix de Ryswick, en 1697, Louis XIV répondit par un refus catégorique aux représentants des huguenots.

John H. Alexander avec le concours de Christiane Pagot


IV. LES ASSEMBLÉES DU DÉSERT

Pourquoi « Désert » ? : Dans l'histoire du protestantisme français, le mot « désert » a une connotation particulière. En effet, il renvoie aux assemblées clandestines tenues par les protestants après la révocation de l'Édit de Nantes par Louis XIV, en 1685. Ce terme « désert », qui avait pour eux un sens biblique, a été choisi en référence aux épreuves des Hébreux traversant le désert après leur fuite d'Égypte. Le désert, lieu de tribulations, de tentations et de désespoirs, mais aussi lieu où se faisait entendre la parole de l’Éternel.

1) Un lieu de recueillement à visiter : Le musée du Désert

Si beaucoup de protestants prennent le chemin de l’exil, la majorité d’entre eux restent en France et vont devoir subir les terribles persécutions de la part du pouvoir politique et religieux en place, ou abjurer leur foi réformée.
Les Cévennes sont une région de France au sud-est du massif central, où la réforme s’est particulièrement implantée. Cette région va subir et cristalliser sur elle toute la hargne et la férocité du pouvoir en place et les populations vont connaître l’horreur.
Dans les Cévennes, la révolte des Camisards est une aventure héroïque sans lendemain.

L’entrée du musée du désert au Mas Soubeyran à Mialet au nord d’Anduze

Pourquoi « Camisards » ? Les révoltés, paysans et artisans, n’avaient comme seul uniforme et signe de reconnaissance que leur chemise (camiso en occitan).
Entre soumission apparente et clandestinité (« culte au Désert »), une poignée de fidèles maintient la flamme du protestantisme.
C’est cette histoire qu’évoque le Musée du Désert, inauguré en 1911. Un siècle de clandestinité et de résistance pour la foi, un siècle de répression et d’intolérance qui n’a pu éteindre cette foi. Il veut être le témoin d’un passé héroïque pour la défense d’une liberté, mais aussi donner conscience de l’héritage acquis par ces luttes : héritages spirituel et culturel qui transparaissent aujourd’hui dans la mentalité et la culture cévenoles.


2) Les différentes salles présentant l’histoire des camisards

Le musée du Désert présente dans ses différentes salles, l’histoire de la réforme en France, déjà en partie traitée dans les chapitres précédents, et ses nombreuses persécutions, mais aussi plus particulièrement l’histoire des camisards.


3) Le culte au "Désert"

Nombreux sont ceux qui, attachés à leur foi ne sont pas partis en exil dans les pays du « Refuge ». Privés de la liberté de culte, ils se réunissent « au Désert », à l’abri des regards, loin des villes, cachés dans les endroits isolés, les forêts, les garrigues, les grottes ou les ravins…. Ils organisent une « église de l’ombre » (en Cévennes, mais aussi en Haut Languedoc, en Poitou, Dauphiné, Vivarais…), et sont obligés de vivre clandestinement leur foi. Par exemple, parmi d’autres, un faux tonneau de vin recèle une chaire démontable.
En cas d’arrivée des dragons, un veilleur avec son « Encas » (parapluie) est chargé de faire la sentinelle, ou de donner l’alerte par une position prévue des bras d’un moulin. Si par malheur, ils étaient découverts, ils encourraient les pires condamnations et représailles.

Assemblée du désert à Lecques près de Nîmes et les guetteurs

a. Le triste sort de la réunion au désert de l’assemblée de la Baumelle

Dans la nuit du 26 au 27 décembre 1688, une assemblée se tint dans une caverne située entre le mas Soubeyran et le hameau de la Baumelle, Paroisse de Mialet.
Découverte par les soldats (certainement à cause d’une dénonciation), les peines sont terriblement sévères :

◼ 47 prisonniers sont conduits à Alès, Saint Hyppolite et Nîmes.
◼ Jacques Puech et Jean Pierre Bony sont exécutés par pendaison à Anduze.
◼ 16 femmes sont menées au château de Sommières.
◼ Suzon Dejean, de Mialet, est emprisonnée à la tour de Constance.
◼ 8 hommes sont condamnés aux galères : David Puech ; David Comte ; Jean Bourelly ; David Corbelle ; Pierre Valat ; Jean Pelissier ; Pierre Grefeuille et Jean Nègre.
◼ Le prédicateur Thomas d’Anduze meurt pendant son transfert à Montpellier.
◼ Les frais de procédures criminelles incombent aux familles des condamnés.
◼ En représailles, les communautés de Mialet, Générargues et Saint Sébastien subirent le logement en « Pure perte » d’une compagnie de soldats.
◼ La grotte fut murée peu après par ordre royal et finalement redécouverte et désobstruée en 1970

b. Autres exemples de jugements et de condamnations contre des "religionnaires"

◼ Jugement du 9 septembre 1751 qui condamne le sieur Jean Roffière, religionnaire de la ville d’Uzès, à 2000 livres d’amende pour avoir fait baptiser quatre de ses enfants par des ministres de la Religion Prétendue Réformée.
◼ Jugement qui condamne Guillaume Jonques, religionnaire du lieu de Mouffac et Louise Coste du lieu de Cannes, à 2000 livres d’amende pour s’être mariés au désert et y avoir fait baptiser deux de leurs enfants.
◼ Jugement du 17 décembre 1750 qui condamne David Cazenove et Madeleine Aldeberte de Sète, à 1000 livres d’amende. Mariés, il leur est enjoint de se séparer et défendu de cohabiter ensemble, jusqu'à ce qu’ils aient fait réhabiliter leur mariage. À peine de 3000 livres d’amende et de punition corporelle en cas de non observance.


4) Prisonnières pour leur foi

Les femmes surprises dans des assemblées clandestines sont faites prisonnières, le plus souvent pour le reste de leurs jours. Souvent elles mourront de maladie, d’épuisement, certaines deviendront folles. Parmi tous les lieux d’internements, 3 tours du Languedoc seront principalement des lieux de captivité.

◼ Le château de Sommières dans le Gard
◼ La Tour de Crest et ses martyrs : La Tour de Crest, en Dauphiné près de Valence, dresse encore aujourd’hui sa haute silhouette au-dessus de la vallée. La tour, imposant vestige du château de Crest, est l'un des plus hauts donjons (avec celui du Château de Vincennes) d’Europe (52 mètres). Les galeries supérieures du donjon, défensives à l'origine, sont transformées en prisons. « La tour montre toujours ses cachots, ses crocs et ses fers comme une menace et un témoignage. Ses vieilles pierres gardent le souvenir des nombreux martyrs protestants, dont on a étouffé la voix dans les supplices. Et elle répète à ceux qui savent entendre, la prophétie du Maître aux pharisiens : « Si ceux-ci se taisent, les pierres même crieront. »
◼ La Tour de Constance à Aigues Mortes : C’est la plus tristement célèbre. C’est un énorme cylindre de 30 mètres de haut, surmonté d'une tourelle et dont les murs ont 6 mètres de large. Cet ouvrage fut conçu pour être imprenable et pour décourager les ennemis de tout assaut. Après la Révocation de l’Édit de Nantes, les grosses tours de la ville médiévale deviennent prisons.

Des protestants de Nîmes sont incarcérés dans la Tour de Constance. En 1705, les registres font état de trente-trois prisonniers huguenots détenus dans la salle supérieure de la tour.
À partir de 1707, la tour de Constance est réservée aux femmes condamnées à la prison perpétuelle pour fait de religion. De cette horrible prison, les prisonnières n'en sortent que pour le cimetière. C'est le lieu symbole de la résistance protestante, avec pour héroïne Marie Durand, emprisonnée en 1730, à l'âge de 15 ans. Elle y restera jusqu'en 1768, soit 38 ans de détention épouvantable, dans la pauvreté, le froid et la promiscuité. Elle mourra 8 ans plus tard en Ardèche. On sait peu de choses des premières années de Marie dans cette prison, où sur la trentaine de femmes incarcérées, elle retrouve plusieurs Vivaroises. Elle était la plus jeune, mais dans l'épreuve sa foi s'affermit ; la douleur causée par le martyre de son frère, deux ans après son propre emprisonnement, son courage, sa résignation lui donnent vite un grand ascendant sur ses compagnes. Elle soutient les plus découragées, lutte avec elles contre les tentations de l'abjuration qui ouvre les portes de la prison, et devient l'âme de cette résistance aux pressions de la hiérarchie catholique pour favoriser les conversions. D'après le manuscrit de Gautier de Terreneuve, trente prisonnières étaient détenues dans la tour en 1746.

Les prisonnières de la tour de Constance (par Jeanne Lombard)

En 1755, Marie Durand rapporte la terrible souffrance de cet hiver : "Nous étions sans aucune provision, excepté un peu de bois vert. Le plus que nous avions, c'était un peu de neige sur notre terrasse, sans aucun secours de personne".
En 1767, il ne restait plus que 14 prisonnières. Le prince de Beauvau, en visite dans la cité, ému par la misère des prisonnières et par compassion, les délivra toutes, malgré l'autorité royale.
Les deux dernières, Suzanne Pages et Marie Roux, détenues 27 et 23 ans furent libérées le 26 décembre 1768, c'était il y a 248 ans.
Aujourd'hui, la cité médiévale honore la mémoire de Marie Durand et une rue porte son nom.

Le Musée du Désert rend hommage à ces prisonnières dans une salle qui leur est consacrée. Des plaques rappellent le nom de plus de 130 d’entre elles qui auraient pu être libérées au prix d’une abjuration qu’elles se refusaient à formuler. Le « record » sera tenu par Anne Salièges, enfermée à 6 mois avec sa mère, libérée à 71 ans en 1772, car elle y avait été oubliée. Elle reviendra mourir à Vebron.

Un acte de foi symbole de la résistance huguenote : pendant sa détention, Marie Durand devait écrire près de 50 lettres. Une correspondance adressée au pasteur nîmois Paul Rabut, qui s'occupait des prisonnières. Des suppliques pour demander du secours, des remerciements aux rares donateurs qui venaient en aide aux prisonnières et quelques lettres personnelles adressées à sa nièce.

Timbre commémoratif de la libération des dernières prisonnières
de la Tour de Constance

Sur le bord de la margelle du puits de la prison, le visiteur peut lire cette inscription en languedocien : REGISTER soit RESISTER, que les prisonnières ont gravé. Elle est attribuée sans vraie certitude à Marie Durand, mais elle symbolise pour le peuple protestant la foi et l'exhortation à l'espérance de ces témoins au temps du Désert.
Son frère Pierre Durand (1700–1732) fut condamné à mort et exécuté à Montpellier. Il écrivit : "Si mon Sauveur veut m’appeler à signer de mon sang son Saint Evangile, sa volonté soit faite".


5) Les galériens. Une salle entière est consacrée aux galériens

Dans la salle dédiée aux galériens, des panneaux portent les noms des 5 000 huguenots envoyés aux galères avec cette mention "À la mémoire sacrée des 5 000 galériens qui souffrirent et moururent pour leur foi" 1684-1775.

Beaucoup d’étrangers descendants de familles protestantes viennent là pour tenter de retrouver la trace de leurs ancêtres huguenots.


6) Les pasteurs et prédicants

Là aussi une salle entière est consacrée aux prédicants avec comme intitulé : Pasteurs et prédicants martyrs. Morts pour la défense de l’Évangile et de la liberté.

Nous avons vu que, quand Louis XIV révoqua l’édit de Nantes, il pensait avoir mis un terme au protestantisme. Il fit démolir les temples et donna 15 jours aux pasteurs pour quitter le royaume.
Certains, cependant, restèrent ou revinrent de l’exil, devenant clandestins et hors la loi. D’autres, des laïcs — les prédicants — remplacèrent les pasteurs à partir de 1729, ceux qui furent formés à Lausanne, environ 4 000 prirent la relève, comme nous l’avons vu précédemment. Proscrits et pourchassés, leur sort, quand ils étaient découverts ou dénoncés pour une modeste prime, était la mort.
Le terrible supplice de la roue, le supplicié attaché sur une roue, comparable à une roue de chariot, était « roué de coups » et mourait, les membres brisés, après une longue agonie dans de terribles souffrances. Une des plaques porte la mémoire d’un prédicant inconnu, notre « soldat inconnu » de l’Evangile, inconnu des hommes, mais connu de Dieu !

En pensant à toutes ces souffrances, les versets de l’épître aux Hébreux nous viennent en tête : "D’autres furent livrés aux tourments, et n’acceptèrent point de délivrance, afin d’obtenir une meilleure résurrection ; d’autres subirent les moqueries et le fouet, les chaînes et la prison ; ils furent lapidés, sciés, torturés, ils moururent tués par l’épée, ils allèrent çà et là vêtus de peaux de brebis et de peaux de chèvres, dénués de tout, persécutés, maltraités, eux dont le monde n’était pas digne, errants dans les déserts et les montagnes, dans les cavernes et les antres de la terre".


V. LES CAMISARDS

Le Languedoc comptait 200 000 protestants lorsque Louis XIV révoqua l’Édit de Nantes. Certains se convertirent, un grand nombre s’enfuirent, d’autres enfin résistèrent. Les Cévennes vont être le théâtre de la guerre des Camisards contre une domination qui se voulait spirituellement totalitaire. Les Camisards se soulevèrent pour défendre la liberté religieuse, plus concrètement la liberté d’être protestant en France. Ils ont toujours manifesté leur fidélité au roi, ne se donnant d’autre but de guerre que le rétablissement de la liberté de leur culte. C’étaient des gens du peuple, paysans, tisserands, cardeurs de laine, de jeunes gens pour la plupart. Non point une guerre civile, mais une révolte armée pour tenter de retrouver la liberté de culte. Elle opposera quelque 3 000 protestants, qui tinrent en échec les quelque 30 000 soldats des troupes royales de 1702 à 1704, sans réussir à fléchir l’intolérance et la répression. Leur mobilité, leur familiarité avec un terrain sauvage, les complicités qu’ils rencontraient parmi les habitants, leur permirent de tenir bon face à une armée qui n’était pas habituée à une guerre de maquis. La Vallée des Camisards, avec son pont, aussi bien que le panorama des hautes montagnes cévenoles, est typique de l’environnement où se situa ce que plus tard on appellera "le Théâtre sacré des Cévennes".

Le pont des Camisards sur le Gardon

Avant de marcher à l’ennemi, ils mettaient genou en terre et entonnaient le psaume 68, le psaume des batailles : "Que Dieu se montre seulement, Et l’on verra dans un moment, Abandonner la place ; Le camp des ennemis épars, Épouvanté, de toutes parts, fuira devant sa Face…"

Les camisards ont aménagé, dans les vastes cavernes situées dans les bois d'Euzet, un important réseau de caches d'armes et d'équipement. Certaines de ces caches, soigneusement dissimulées dans les chaos rocheux, seraient restées inviolées jusqu'à nos jours.
Avec l'aval du pape Clément XI, qui rédigea une bulle excommuniant les camisards, les soldats du roi, dirigés par le maréchal de Montrevel, rasèrent plus de 450 villages, tuant parfois tous leurs habitants.
La guerre des Cévennes, qui toucha principalement des civils, fut cause de l'enfouissement de très nombreux trésors dans la région. Les dragons de Louis XIV avaient même dressé des chiens pour retrouver "les choses enterrées" dans les villages abandonnés. Certains de ces hameaux sont toujours en ruines depuis cette époque.
Les grottes à visiter se trouvent dans les bois qui surplombent les flancs des collines rocailleuses au-dessus d’Euzet. Elles sont
difficilement accessibles, tant le terrain est tourmenté, ce qui permet de penser que la plupart de ces multiples caches sont restées vraisemblablement intactes.
C'est là que l'or, les armes, toutes les prises de guerre vont affluer pendant des années, le tout entreposé ou enterré sous un peu de sable, bien à l'abri de la pluie. Lorsque les dragons intervinrent dans la région, ils murèrent de nombreuses grottes dans lesquelles ils ne voulaient pas se risquer, car certaines étaient encore occupées par des Camisards.
D'autres virent leurs entrées attaquées à la mine. Les ossements des insurgés doivent s'y mêler, dans l'obscurité, au contenu de ces magasins, inaccessibles depuis bientôt trois siècles.
Deux chefs s’imposèrent pour la conduite des opérations, autant par l’exaltation de leur foi que par leur habileté tactique, Roland et Cavalier. Pierre Laporte dit Roland est chez lui au Musée du Désert, avec sa Bible de famille, usée à force d’avoir été méditée. La séparation de ces deux compagnons d’armes marqua la fin de la guerre des Camisards, encore qu’il en soit sorti des étincelles éphémères jusqu’en 1710.
Progressivement, l'influence des idées des Lumières atténue les persécutions : " toléré " Édit de Versailles (7 novembre 1787) dit « Édit de Tolérance », Édit du roi concernant ceux qui ne font pas profession de la religion catholique. C’est finalement, l'Édit des non-catholiques. Tout en regrettant ses limites, Rabaut Saint-Étienne, pasteur et fils de pasteur, se réjouit de la signature du texte et affirme : « La reconnaissance n'exclut point l'espérance, elle l'autorise ». L’édit de tolérance rend aux réformés un statut civil, sans liberté du culte et sans accès aux charges.

Les Droits de l'Homme ont une histoire. Ils exprimèrent l'espérance de ceux qui, pour l'Évangile, subirent des persécutions. L'un de leurs rédacteurs s'appelait Jean-Paul Rabaut Saint-Étienne dit Rabaut-Saint-Étienne (1743-1793).

Il fut le premier Président de l'Assemblée constituante. À lui nous devons ces paroles, relatives à l'Édit de tolérance : "La tolérance ? Non, messieurs. Nous n'accepterons jamais la condescendance de ceux qui prétendent nous tolérer. La tolérance, non. Ce que nous voulons, c'est la liberté". Les Droits de l'Homme s'inscrivent dans la ligne de la parole des prophètes bibliques. Ils ont été portés par ceux qui ont voulu la liberté de l'Évangile. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et son article X inscrit sur l'insistance du pasteur Rabaut-Saint-Etienne, affirme que " nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ". La révolution proclame les principes laïques, mais se révèle hélas incapable de les appliquer.

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 – Article 18 :

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.
Comme l'écrit très justement France Farago, membre de l'Oratoire, dans un ouvrage récemment paru : "La Déclaration des droits de l'homme présente très exactement l'image inversée du traitement que les protestants avaient subi". Il faudra attendre la Révolution Française (1789) pour que soient proclamés la liberté de conscience et le libre exercice du culte.


CONCLUSION

Ces hommes et ces femmes sont des exemples pour nous tous. Personne ne peut dire ce qui se passera demain ou après-demain en France, l’un des deux pays les moins religieux d’Europe, où le pouvoir politique est plus que défaillant, et la montée des intégrismes religieux est ressentie comme une menace pour beaucoup. L’auteur de cette épître encourage des chrétiens persécutés et abattus. Prenons ce verset pour nous-mêmes et courons…


Nous donc aussi, puisque nous sommes environnés d’une si grande nuée de témoins,
rejetons tout fardeau, et le péché qui nous enveloppe si facilement,
et courons avec persévérance dans la carrière qui nous est ouverte,
ayant les regards sur Jésus… (Hébreux 12.1)