LA MAIN D’ASSOCIATION

< Koinonia

Auteur : Emmanuel FISCHER


Que dit la Bible sur les associations ? En réalité, elle est assez muette à ce sujet ! Aussi, pour répondre à cette question, nous commencerons par chercher quelques principes bibliques pour développer notre sujet. Puis nous évaluerons la nécessité d’avoir ou pas des associations, ainsi que leurs limites et leurs avantages.


I. LES FONDEMENTS BIBLIQUES DE L'ASSOCIATION
A. Les objectifs de l’église locale :

« Ils persévéraient dans l’enseignement des apôtres, dans la communion fraternelle, dans la fraction du pain, et dans les prières. » (Ac. 2.42 )
La Bible nous rappelle quatre objectifs majeurs pour le développement de l’église locale. Le premier est celui de l’enseignement qui doit concerner aussi bien les adultes que les enfants. Dieu désire que les chrétiens deviennent des disciples matures qui s’approprient la doctrine et croissent spirituellement.
Le second objectif est la communion fraternelle. Elle développe les relations entre les croyants, mettant en pratique l’amour, la discipline et par conséquent l’humilité.
Le troisième objectif est le partage de la Cène. C’est une occasion de souvenir afin d’apprécier à sa juste valeur l’œuvre magistral de grâce accordé par Jésus-Christ au pécheur.
Et finalement, le quatrième objectif est la prière. C’est une arme indispensable à l’église pour combattre dans tous les domaines qu’ils soient pratiques ou spirituels.
Nous trouvons ainsi notre premier principe. Dieu désire que les chrétiens croissent en foi et en connaissance.

B. Une main d’association :

« Et ayant reconnu la grâce qui m’avait été accordée, Jacques, Céphas et Jean, qui sont regardés comme des colonnes, me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d’association, afin que nous allions, nous vers les païens, et eux vers les circoncis. »

Le mot « association » (koinonia) signifie «  communion fraternelle, contribution, prendre part ». Ainsi, une communion fraternelle, c’est-à-dire une association, s’était à l’époque érigée entre le travail de Jacques, Céphas, Jean et l’apôtre Paul et Barnabas. Chacun avait une mission particulière. Paul devait évangéliser les païens et Pierre devait s’occuper des Juifs. Les méthodes pour accomplir leur mission étaient différentes. Pourtant, ils ont eu le désir de s’associer, de vivre une « communion/association » pour l’œuvre du Seigneur. Deux missions, mais un objectif commun : évangéliser les païens et les Juifs tout en s’occupant des pauvres.

Nous trouvons ici notre deuxième principe. Dieu qualifie chacun pour une mission particulière, avec des objectifs différents, mais toujours dans l’intérêt commun de l’Église.

C. Un corps bien coordonnés :

« C’est de lui, et grâce à tous les liens de son assistance, que tout le corps, bien coordonné et formant un solide assemblage, tire son accroissement selon la force qui convient à chacune de ses parties, et s’édifie lui-même dans l’amour. » (Eph. 4.16)

L’expression « bien coordonnée » vient du grec sunarmologeo qui signifie « joindre étroitement, structurer ensemble ». Le solide assemblage (sum-bibazw) parle de « faire fusionner, joindre et renforcer la cohésion ». Il y a ici l’idée de travailler ensemble dans un but précis. Puisqu’il existe des dons et des forces variés dans l’église — un travail qui convient à chacun — ils ont toujours pour but l’édification du Corps de Christ. C’est donc vivre l’amour de Jésus-Christ, tout en croissant dans la pratique de la connaissance de la doctrine.

Un troisième principe trouve sa place. Dieu désire que les croyants travaillent dans l’unité, en partageant leur compétences, afin de faire croître l’église locale.

D. Les relations entre églises locales dans le Nouveau Testament :

L’église locale est par définition indépendante. Elle gère elle-même son quotidien et ses questions pratiques. Mais cela ne signifie pas qu’elle vive isolée et autarcique. Le livre des Actes nous dévoile le quotidien des églises et les relations qu’elles avaient crées entre elles. Des liens fraternels s’étaient tissés au fur et à mesure de son développement. Dans cette communion fraternelle, l’entraide avait sa place et tout particulièrement quand une église avait des difficultés. Dieu désire donc que les églises se soutiennent les unes les autres, à commencer par la prière. D’ailleurs, avons-nous ce reflex de prier régulièrement pour les églises de la région ?

L’entraide est un quatrième principe, dont la source et les motivations puisent leur énergie dans l’amour.

E. L’autorité de l’église locale :

Nous l’avons dit précédemment, l’église locale est autonome et toutes ses activités sont dictées par l’autorité locale. Ainsi, Paul et Pierre furent envoyé en mission, après concertation et autorisation de l’église locale d’Antioche (Ac. 13.1-3). L’église locale valide ou refuse donc les divers projets qui se présentent à elle. Elle veille au bon fonctionnement de ses activités et s’assure qu’elles soient en conformités avec la Bible et la volonté du Seigneur.

Pour autant, cela ne signifie pas que l’église locale cesse de travailler pour l’Église universelle. Bien au contraire, elle partage ses dons et ses qualifications avec l’ensemble du Corps du Christ. Mais elle le fait toujours sous l’autorité de l’église locale qui devient le « référent » en matière de relation avec les structures extérieures.

Notre cinquième principe est celui du « référent ». L’église locale possède l’autorité qui régit et entoure les relations ou la création des associations chrétiennes.

Pour résumer :

La Bible n’est pas contre le fait qu’il existe une association de chrétien dans un but particulier. Au contraire elle l’encourage dans les bons et les mauvais jours. Mais cette « association » temporaire s’appuie les quelques principes que nous venons d’évoquer.

Une question peut alors être posée : est-ce que les associations chrétiennes actuelles, c’est-à-dire celles qui ne sont pas liées à une église locale, peuvent répondre positivement au cahier des charges exposé ci-dessus ? Dans beaucoup de cas la réponse est non !

Nous l’avons vu, s’associer équivaut à vivre une communion fraternelle. Il est donc bénéfique pour les églises locales de s’associer à l’occasion dans le but de faire croître le Corps de Christ, mais toujours et inexorablement sous l’autorité de l’église locale.


II. POURQUOI DES ASSOCIATIONS ?
A. L’état :

Distinguons maintenant la « main d’association » biblique et les associations instituées par la République française. Notre état impose de déclarer en association toutes structures. Ainsi naissent des associations cultuelle (1905) et des associations culturelles (1901). Le fait de structurer l’église locale en association cultuelle n’est pas en soi négatif. Cela oblige l’église à réfléchir à son identité et à ses buts pour lui assurer une crédibilité et une certaine sécurité. Dieu est un Dieu d’ordre. Même si parfois la gestion de ces associations sont fastidieuses, remercions notre Seigneur de pouvoir vivre librement notre foi dans notre pays.

B. La création d’association chrétienne indépendante :

Il existe aujourd’hui dans le christianisme moderne, une sorte de reflex, une politique individualiste qui poussent des croyants à créer des d’associations chrétiennes indépendamment de l’église locale. Et il y en a à foison ! Alors pourquoi agissent-ils ainsi ?
Est-ce à cause d’une faillite de l’église locale ? Peut-être que, par manque de compétences intérieures, par le fait que l’on ne permette pas aux chrétiens d’exercer leurs dons, ou encore à cause du manque de discernement — ou plus grave — par dictature des responsables, certains membres cherchent à s’épanouir hors de l’église locale.

Une deuxième cause est certainement le manque de moyens financiers. Il est vrai que la libéralité chrétienne est bien souvent impécunieuse dans nos églises. Cela à forcément une incidence sur les projets de l’église locale. Cette pénurie pécuniaire paralyse certains aspects de la croissance des assemblées. Aussi, et cela semble presque légitime, des associations naissent avec l’ambition de mettre en place ces projets à leur place, libres de toute attache et autorité spirituelle.

Une troisième cause est certainement le manque de vision de l’église locale. Nous vivons bien souvent sur nos acquis, ces « traditions » qui nous assurent une certaine sécurité, mais qui paralysent en réalité l’essor de l’église locale et de ses missions. Alors, d’autres plus zélés ou plus aventureux, saisissent les opportunités de ces « marchés » au détriment de l’église locale.

C. Des ambitions d’indépendances :

La création des associations indépendantes de l’église locale ont certainement des ambitions légitimes et très chrétiennes. Elles désirent palier aux carences dont souffre plus ou moins l’église locale. Certes, mais pour cela elles « dérobent » intentionnellement ou non les talents de l’église locale et impose bien souvent un absentéisme de ses membres lors de ses réunions hebdomadaires.

La véritable question est savoir pour qui elles travaillent en réalité et à quels fins ? Est-ce pour des ambitions personnelles, l’appât du gain, une éventuelle gloriole évangélique, ou encore une soif incommensurable de compétition ? Car cette recherche d’indépendance cache certainement une difficulté de subordination.

Le paradoxe est que beaucoup d’associations peinent à se développer. Le résultat se résume par de l’argent gâché et du temps perdu. Si l’on comptait les euros qui ont été investis dans différentes associations dont le résultat est peu convainquant, nous aurions peut-être pu investir cet argent dans un nouveau bâtiment d’église.

La Bible nous conseille la « main d’association », c’est-à-dire le regroupement de nos ressources et de nos dons. Cette stratégie ecclésiale a fait ses preuves autrefois et a permit l’essor formidable de l’Église primitive.

D. Alors, à qui la faute ?

Il est facile de constater dans nos églises, que la critique a le verbe facile. Nous aimons nous offusquer devant les hérésies ou crier notre effroi devant la modernité évangélique. Mais quelle réponse donnons-nous à toutes ces déviations ? Qui a pris le temps d’imaginer ou de mettre en place des moyens pour corriger les erreurs actuelles ? Évidement, il faut de l’argent pour créer et gérer par exemple un site Internet, dont l’objectif serait de proposer aux internautes une solide doctrine conservatrice. Mais pour cela, il faut retrousser nos manches baptistes et associer nos compétences, nos finances et notre zèle pour Jésus-Christ. Il est certain que nous avons une responsabilité dans ces domaines.

E. Pourtant, il faut des associations !

Il est évident que l’église locale ne peut pas répondre à tous les besoins des chrétiens. La petitesse de nos structure en est peut-être la cause. Aussi, une association peut apporter des outils spécifiques à l’assemblée locale.

A cet effet, nous ne dirons jamais assez de bien quant à la création de camps chrétiens, du travail que font les instituts bibliques, etc. Mais ces associations ne cherchent pas à fuir l’église locale et son autorité. Au contraire, elles travaillent main dans la main, donnant muscles et mouvements à cette précieuse « main d’association ». De grand projets peuvent naître lorsque les ambitions des églises locales s’harmonisent dans le partage des compétences et des moyens financiers.


III. LIMITES ET  AVANTAGES DES ASSOCIATIONS
A. Les limites des associations :

Une première limite que nous pouvons constater, c’est la limite confessionnelle. Une association chrétienne affiche obligatoirement une confession de foi pour faire valoir son identité. Mais pour plaire à tout le monde, cette confession de foi est bien souvent réduite à sa plus simple expression. Pour vendre Dieu, il faut pourfendre la doctrine !

C’est là tout le paradoxe. Car le désir d’une nouvelle association est de fournir par exemple de nouvelles technique pour dispenser un meilleur enseignement. Pourtant, elle ne pourra pas inculquer en profondeur la doctrine, ni afficher la totalité de ses convictions. Pourquoi ? Et bien tout simplement parce que pour exister, il faudra faire le sacrifice de plaire à tous. Par conséquent, le bon dépôt ne peut pas être transmis dans sa totalité !

Le but d’une association chrétienne devrait donc être de servir Dieu pleinement, sans concession doctrinale ni ostracisme à l’encontre de l’autorité de l’église locale.

La second limite est celle du marketing. Car pour vivre, il faut vendre ! Et toutes les techniques commerciales feront l’affaire. Si l’on est un tantinet observateur, il est aisé de découvrir qu’il existe une insidieuse concurrence entre associations dites chrétiennes. L’apôtre Paul doit s’en retourner dans sa tombe !

Là où les projets chrétiens devraient se développer par une « main d’association », beaucoup d’entre eux connaissent les ingénieurs d’une « main individualiste ». Travailler pour soi, c’est mal travailler. Travailler pour s’enrichir, c’est privé l’église de l’argent que Dieu a confié aux croyants afin qu’il bâtissent son Église. Une fois encore, l’argent investit dans certains efforts évangélique ou associatif — et qui de surcroit coûte extrêmement cher pour un résultat minime — prive les véritables projets de Dieu dans sa stratégie de croissance de l’Église. Quel gâchis nous dira un jour Jésus-Christ !

B. Les avantages (boite à outils associatives) :

Mais ne soyons pas trop négatif. Car il existe heureusement des associations chrétiennes qui travaillent étroitement avec l’église locale et désirent servir sous son autorité. Elles sont l’oxygène des assemblées qui manquent d’effectifs ou de dons spécifiques. Grâce à elles, des serviteurs sont former théologiquement, des disciples se perfectionnent et des personnes viennent à Christ.

Que ce soit par leur expérience, leurs écrits, leurs talents, toutes ces associations renforcent le travail de perfectionnement de l’église locale. Comme nous l’avons vu, cette dernière ne possède pas tous les dons. Mais l’Église universelle, elle, les possède tous. Il est donc profitable aux églises locales, plutôt que de créer une nouvelle association, de se donne la « main d’association » en partageant leurs boites à outils. Si nous manquons d’un marteau pour construire l’église, ne concevront pas un nouveau marteau, mais empruntons-le à une église proche. Gain de temps, gain d’énergie et gain évident pour l’église locale.

Finalement, la « main d’association », c’est cette communion fraternelle mise en pratique. C’est le désir de partager les compétences et les atouts de toutes les églises locales pour affermir et consolider l’Église universelle. C’est aussi la sécurité d’un travail de qualité, puisqu’il s’accomplit sous l’autorité de l’église locale. Et surtout, c’est la garantie que le bon dépôt soit transmis aux générations suivantes. A bien y réfléchir, il n’existe en réalité aucune limite pour qui veut se donner la « main d’association » !


CONCLUSION

Alors, les associations, est-ce biblique ou non ? Vous l’aurez compris, il est difficile d’être affirmatif. Seulement, dans la jungle des arguments, nous pouvons découvrir qu’il existe une clairière évidente. Car les principes bibliques nous conseillent de préférer la « main d’association » à la « main d’indépendance ».

Notre Seigneur a sacrifié sa vie pour former le Corps de Christ. Cette Eglise universelle est un peu comme une belle et fière fourmilière dans laquelle œuvrent des dons multiples et variés, et dont le but n’est pas narcissique, mais profitable à tous.

Aussi contemplons la merveilleuse idée de Dieu qui pousse les chrétiens vers cette « main d’association ». Cela les contraint à sortir de leurs donjons capitonnés, à braver les créneaux de l’orgueil, et finalement, à lever le pont levis de leur atonie pour aller tendre la main à une église voisine. Dieu nous veut humble et actifs, usant de toutes les stratégies divines qui permettront de faire croître son Eglise et de transmettre avec complétude sa sainte Parole.

Que nous puissions ne pas céder à la facilité, car la tentation d’indépendance est grande. S’il est aisé de créer une association, il est plus contraignant de débusquer les dons dans nos églises locales. Cela demande du travail, de la prière et du discernement. Mais au final, c’est une véritable opportunité pour nos églises et pour celles de notre communion. Alors qui veut saisir ma « main d’association » ?